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GUY CARLIER dans le Blog ... Par Florine & Oulashe
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12 mai 2006

{82}Pour en finir une bonne fois pour toutes avec les kilos en trop !

image_17Humour toujours :

Voici le réflexions de Woody Allen sur les kilos en trop ...  ! Un récit des plus encourageants : dans  « Pour en finir une bonne fois pour toutes avec la culture » Opus 2 / Ed. Point-Virgule, 1999

Réflexions du suralimenté

(Après  avoir lu coup sur coup Dostoïevsky et un magazine de diététique pendant un voyage en avion.)

Je suis gras.

Je suis dégoûtamment gras.

Je suis l’homme le plus gras que je connaisse.

Je n’ai rien d’autre sur tout le corps que de la graisse en excédent. Mes doigts sont gras. Mes poignets sont gras. Mes yeux sont gras. (Peut-on imaginer des yeux gras, à part dans un bouillon ?)

Je pèse des centaines de livres de trop1. La chair dégouline sur moi comme le chocolat chaud sur des profiteroles. Mon tour de taille est un objet de répulsion pour tous ceux qui m’ont vu. Inutile de nier l’évidence : je suis un véritable tas de graisse.

Mais, demandera le lecteur, y a t-il des avantages ou des inconvénients à affecter la rotondité d’une planète ? Je n’ai pas l’intention de me montrer facétieux ni de parler en paradoxes, mais je suis obligé de répondre que la graisse en elle-même est au-dessus de la morale bourgeoise. Elle est simplement grasse.

Que la graisse puisse être, disons, malséante ou pitoyable, c’est évidemment une plaisanterie. Absurde ! Car qu’est- ce que la graisse, après tout, sinon une accumulation de livres ? Et que ont les livres ? Simplement un agrégat composite de cellule. Une cellule peut-elle être morale ? Une cellule est-elle au-là du bien et du mal ? Qui peut savoir ? Elle sont si petites !

Non, mon ami, il ne faut jamais essayer de distinguer entre la bonne et la mauvaise graisse. Nous devons apprendre à considérer l’obèse sans le juger, sans penser « la graisse de ce pauvre diable est admirable ».


Prenons l’exemple de K. Ce type était porcin à un tel degré qu’il ne pouvait pas franchir une porte normale sans l’aide d’un levier. Evidemment, K. ne pouvait même pas envisager d’aller d’une pièce à l’autre dans un appartement quelconque sans au préalable se déshabiller complètement et s’enduire de beurre.

Je compatis au supplice de K. Quelles insultes n’a-t-il pas essuyées de la part de bandes de jeunes voyous ! Comme il a du être déchiré par ces cris sur son passage : «  Tonneau ! Bonbonne ! » Comme il dut se sentir blessé au plus profond, quand, le soir de la Saint-Michel, le gouverneur de la province se tourna vers lui et lui dit, en présence de tous les dignitaires : « Vous, là, le gros tas de bidoche ! »

Alors, un jour, incapable de supporter plus longtemps cet enfer, K. se mit au régime. Oui parfaitement ! Il supprima d’abord les sucreries. Puis le pain, l’alcool, les féculents, les sauces.

Bref, K. renonça volontairement à ce remplissage qui interdit à un homme de lacer ses souliers sans l’aide des frères Santini 2. Graduellement. Il commença à maigrir. Des rouleaux de chair tombèrent de ses membres.

Et là où il s’était montré sous l’apparence d’un poussah, il apparut soudain en public avec une conformation normale. Et même séduisante. Il semblait le plus heureux des hommes.

Je dis « semblait », car dix-huit ans plus tard, alors qu’il sentait sa mort prochaine et que la fièvre embrasait sa frêle charpente, on l’entendit crier :

Ma graisse ! rendez-moi ma graisse ! Oh, je vous en supplie ! J’ai besoin de ma graisse ! Je manque de poids ! Quel fou j’ai été, de me séparer de ma chère graisse ! J’ai du signer un pacte avec le diable !

Cette dernière réflexion me semble frapper au coin du bon sens.

Maintenant, le lecteur est probablement amené à réfléchir. « Pourquoi donc, si vous êtes gras à lard, n’êtes-vous pas entré dans un cirque ? »

Parce que – je le confesse non sans embarras – je ne peux pas quitter ma maison. Je ne peux pas sortir parce que je ne peux enfiler aucun pantalon. Mes jambes sont trop épaisses. Mes jambes sont le résultat vivant de l’absorption d’autant de corned beef qu’il y en a sur la Deuxième Avenue. Je dirais environ douze mille sandwiches par jambe, est-il besoin de le préciser.

Une chose est certaine : si ma graisse pouvait parler, elle dirait probablement l’effrayante solitude de l’homme – et peut-être aussi la  manière de fabriquer  un petit bateau en  papier, mais c’est moins sûr.
Chaque livre de mon corps  désire de toutes ses forces  envoyer un message au monde, jusques et y compris le Douzième Parallèle.

Ma graisse est peu commune. Elle a beaucoup vu.

Rien que mes mollets ont vécu  toute une existence.

Ma graisse n’est pas heureuse, mais elle est bien réelle. Ce n’est pas de la fausse graisse. La fausse graisse est la pire graisse que l’on puisse avoir, bien que j’ignore si on peut encore en trouver dans les magasins.

Mais laissez-moi vous raconter comment je suis devenu gras. Car je n’ai pas toujours été gras. C’est l’Eglise qui m’a rendu ainsi.

A une époque, j’étais mince – tout à fait mince. Si mince en fait, que me traiter de gros eût été une erreur de perception. Je restai mince jusqu’à un certain jour – je crois que c’était pour mon vingtième anniversaire  - où je prenais du thé et des biscuits secs avec mon oncle dans un bon restaurant. Subitement, mon oncle me posa une question :

-          Crois-tu en Dieu ? demanda-t-il . Et si oui, combien crois-tu qu’Il pèse ?

(…)

-          Dieu n’est pas toujours là où on Le cherche, mais je te fiche mon billet, mon cher neveu, qu’Il est partout ! Dans ces biscuits à la cuiller, par exemple.

Là-dessus, il s’en alla, me laissant sa bénédiction … et une addiction aussi longue que la ckeck-list d’un avion de transport.

Je rentrai chez moi, m’interrogeant sur ce qu’il avait voulu dire dans cette affirmation : « Il est partout. Dans ces biscuits à la cuiller par exemple »

Obnubilé, ne me sentant pas dans mon assiette, je m’étendis sur mon lit et m’accordai une petite sieste. A ce moment, je fis un rêve qui devait changer tout le reste de ma vie.

Dans mon rêve, je flâne à la campagne, quand je prends soudain conscience d’être affamé. Mourant de faim, si vous préférez. J’avise un restaurant, et j’y pénètre. Je commande une double portion de rôti de bœuf et une tranche de pain. La serveuse (…) tente de m’inciter à commander la salade de poulet, qui ne me semble pas fraîche. Pendant que je converse avec cette femme, elle se transforme en une ménagère en métal argenté de vingt-quatre pièces. J’éclate d’un rire hystérique, qui se change brusquement en larmes, et aussitôt après en une sérieuse infection à l’oreille. Une lumière éclatante se répand dans la salle, et j’aperçois un personnage nimbé de rayons, qui s’approche sur un cheval blanc. C’est mon pédicure, et je m’effondre sur le sol avec un effroyable sentiment de culpabilité.

Tel était mon rêve.

Je m’éveillais  avec une furieuse sensation de bien-être. J’étais soudain optimiste. Tout devenait clair. Les paroles de mon oncle trouvèrent un écho au plus profond de mon être. Je filai à la cuisine et commençai à manger.

J’absorbai tout ce que je trouvai : gâteaux, pain, céréales, viande, fruits. Des chocolats succulents, des légumes en sauce, des vins fins, des crèmes et des nouilles, des éclairs et des saucisses, pour un montant total de soixante mille dollars.

Si Dieu est partout, avais-je conclu, alors Il est dans la nourriture. Donc plus je mangerai, plus je deviendrai divin.

Poussé par cette nouvelle ferveur religieuse, je me gloutonnai comme un fanatique. En six mois, je devins le plus saint des saints, mon cœur totalement voué à la prière, pendant que mon estomac progressait tout seul vers la frontière de l’Etat.

La dernière fois que j’ai vu mes pieds, c’était à Vitebsk, un jeudi matin, et pour autant que je puisse savoir, ils sont toujours là-bas.

J’ai mangé et mangé, grossi et grossi. Maigrir eût été la pire des folies ! Plus : un péché ! Car lorsque nous perdons vingt livres, cher lecteur (et je présume que vous n’êtes pas aussi énorme que moi)il se peut que nous perdions nos vingt meilleures !

Nous pouvons perdre les livres qui contiennent notre génie, notre humanité, notre amour ou notre honnêteté ! (Sauf dans le cas d’un contrôleur des contributions que j’ai connu, et qui n’a connu, et qui n’a perdu qu’un peu des bourrelets disgracieux autour des hanches.)

Maintenant, je sais ce que vous allez dire. Vous allez dire que tout ceci est en contradiction formelle avec tous les principes que j’ai énoncés auparavant.

Voilà que tout à coup, j’attribue de la valeur à de la simple viande ! Et bien oui, et pourquoi pas ? La vie n’offre-t-elle pas constamment le même genre de contradictions ?

Une opinion sur la graisse peut changer, de la même façon que les saisons changent, que nos cheveux changent, que la vie elle-même change.

Car la vie est changement, et la graisse, c’est la vie, et la graisse, c’est aussi la mort.

Vous saisissez ? La graisse est tout !

Sauf si on en a trop.
 

___________

1. Une livre 453 grammes (N.d.T.)

2. Contortionnistes célèbres (N.d.T.).

____________

Titre original :Getting Even

Editeur original : Random House, Inc., New-York

ã 1972, Woody Allen

ã 1973, Solar, pour la traduction française


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